Mélange viande-poisson et lait-poisson ?
Rav Loria |
04 avril, 2017 |
Cacherout |
La question de Mireille D.
Bonjour,
J'aimerais savoir pourquoi est-il interdit de mélanger la viande et le poisson ou le lait et le poisson ?
Est-ce aussi grave que de mélanger le lait et la viande ?
Qu'en est-il des pizzas au thon ou au saumon ?
Si on mange du poisson et ensuite de la viande, comment procède-t-on ? Doit-on se rincer la bouche ?
Merci beaucoup.
La réponse de Rav Yossef LORIA
1- Consommation de lait et de poisson
Maran dans son œuvre Beit Yossef stipule qu’il est permis de consommer de la « chair » de poisson ou de sauterelle avec du lait comme l’enseigne la Michna[1]. Néanmoins, la consommation de poisson et de lait est prohibée par le danger qu’elle suscite.
Or, la majorité des commentateurs du Choul’han ‘Aroukh objectent qu’il n’a jamais été question d’interdire le mélange de poisson et lait[2]. En effet, le Talmud mentionne explicitement ce mélange sans l’interdire[3].
Ainsi, nombreux sont les avis à ce sujet :
Les Ashkénazes ont pour coutume de mélanger et de consommer le poisson et le lait ensemble, conformément au Talmud[4].
Pour les originaires d’Afrique du Nord, la coutume n’est pas claire à ce sujet car certains l’interdisent[5] mais Rav Chalom Messas tranche que ceux qui ont l’habitude de s’interdire le mélange de poisson et de laitages devront perpétuer leur coutume et ceux qui se le permettent, peuvent continuer à agir de la sorte[6].
En revanche, nombre de décisionnaires séfarades renforçant les décisions de Maran, ont pour coutume d’interdire un tel mélange[7]. Toutefois, même selon ce dernier avis, si un tel mélange a déjà été effectué, il est permis à la consommation[8].
Aussi, suffira-t-il d’interdire le mélange de poisson avec du fromage ou du lait, mais pas avec du beurre pour ceux qui en ont l’habitude[9].
Néanmoins, même l’avis le plus rigoureux reconnaît que les communautés habituées à consommer du poisson et du lait ensemble pourront continuer à agir de la sorte[10].
1- Mélange de poisson et de viande
Le Talmud nous enseigne que le mélange de poisson et de viande étant susceptible de provoquer de graves maladies, il est prohibé[11]. En effet, la Torah nous ordonne de prendre soin de notre santé, afin d’entretenir un corps apte au service divin dans les meilleures conditions. Ainsi, convient-il à l’homme de s’éloigner de toute situation présentant un quelconque danger.
Il est important de souligner qu’il nous incombe de nous plier aux décrets du Talmud même si la raison justifiant ces décrets n’existe plus, comme la Torah nous l’enseigne : «Vous ne dévierez pas de leurs paroles ni à droite ni à gauche »[12]. On apprend de cette redondance qu’il est un devoir sacré d‘accepter les paroles de nos sages, même si elles dépassent notre entendement.
Ainsi, même si certaines maladies mentionnées dans le Talmud ne sont plus répandues de nos jours, il est malgré tout défendu de consommer de la viande et du poisson dans un même mets car cette interdiction est un décret talmudique. De plus, il existe encore à notre époque un grand nombre de maladies qui ne se déclarent qu’à long terme. Les médecins sont incapables de déceler leur source et de se prononcer sur leurs causes réelles.
Le cas du mélange de poisson et de viande est différent de celui enseigné précédemment. En effet, le mélange de poisson et de lait n’est pas interdit par le Talmud, bien au contraire il y est explicitement mentionné. Seul le Beit Yossef fait part des dangers qu’il comporte et il est à croire que tel était l’avis des médecins de l’époque. C’est apparemment pour cette seule raison que le Beit Yossef a mentionné l’interdiction[13] car il est un devoir de se plier aux avis médicaux ainsi que la Torah fait allusion dans le verset : « Et vous garderez précieusement votre corps»[14]. De ce fait, nos sages nous enseignent que la gravité d’un danger est supérieure à celle d’une interdiction[15].
Ce sujet ne fait donc pas l’objet d’une discussion entre nos sages, mais seulement d’une divergence d’ordre médical. Il convient donc de nous conformer à l’avis médical le plus exact. Or, l’avis médical, le plus développé à notre époque et faisant preuve de plus d’exactitude, affirme qu’aucun effet néfaste n’a été enregistré à ce sujet[16].
Ainsi, il sera permis, au niveau de la loi, de consommer du poisson et du lait cuits ensemble, car ce cas diffère du mélange de poisson et de viande[17].
3- Ablution des mains entre la consommation de viande et de poisson
Lorsque l’on consomme du poisson puis de la viande, il faut se laver les mains entre les deux aliments afin de retirer toute subsistance susceptible d’y adhérer[18].
Il convient aussi de changer ou de rincer soigneusement les ustensiles ayant servi à la consommation du poisson et seulement ensuite de servir la viande. (Il est recommandable, en général, de commencer par la consommation de l’aliment le plus léger puis de servir l’aliment plus lourd afin de faciliter la digestion. Ainsi, il faudra commencer par le poisson avant de passer à la viande. De même, la volaille a priorité sur la viande rouge[19].)
Les Ashkénazes n’ont pas pour coutume de procéder à l’ablution des mains[20]. Il est possible d’associer l’avis de certains décisionnaires considérant que l’emploi de la fourchette rend l’ablution des mains superflue puisqu’il n’est pas à craindre que le poisson collé sur les mains se mélange au mets de viande servi par la suite[21]. D’autres objectent qu’il est probable que l’individu soit amené à toucher le poisson intentionnellement même s’il le consomme à l’aide d’une fourchette , par exemple pour retirer une arrête de la bouche. Il convient donc, malgré tout, de se montrer plus strict et de se rincer les mains après avoir mangé du poisson.
Ceux qui veulent se montrer indulgents lorsqu’ils mangent avec une fourchette ont sur qui s’appuyer. Même dans ce dernier cas, il est préférable de s’essuyer les mains dans une serviette après avoir consommé du poisson[22].
4- Consommation d’un aliment intermédiaire
Selon tous les usages, il faudra consommer un aliment neutre intermédiaire, tel que du pain ou des salades, ainsi que boire une quantité d’eau minimale de façon à éliminer le poisson susceptible de s’être logé entre les dents[23].
Contrairement aux lois relatives à la viande et au lait, il n’est pas nécessaire de déposer un objet de séparation entre deux personnes, lorsque l’une consomme du poisson et l’autre de la viande[24].
5- Loi des mélanges
Il est défendu de cuire du poisson et de la viande ensemble. Si le mélange a été effectué par inadvertance, il est interdit de consommer le mets, à moins que l’un des deux éléments ne soit annulé par un volume soixante fois supérieur[25]. Si le mélange n’atteint pas une telle proportion, il sera prohibé, ainsi que l’ustensile de cuisson : il faudra procéder à sa cachérisation[26]. Certains décisionnaires exigent une cachérisation de l’ustensile seulement si l’on désire l’utiliser dans les vingt-quatre heures qui suivent la cuisson du mélange interdit[27].
Il est également défendu de griller simultanément du poisson et de la viande dans un même four, même s’ils ne se trouvent pas dans un même ustensile. En effet, la vapeur et la fumée se propagent dans l’ensemble du four. Mais a posteriori, ces aliments seront permis[28], tant qu’ils ne sont pas entrés en contact direct[29], et ont été grillés dans un grand four (les fours de certains établissements publics, par exemple). Néanmoins, s’il s’agit d’un petit four (four domestique), le tout sera prohibé, à moins que l’un des deux aliments ne soit soigneusement couvert[30], ou que les deux aliments soient parfaitement secs[31].
En revanche, il est permis de cuire consécutivement du poisson et de la viande dans un même ustensile, si celui-ci est parfaitement propre[32].
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