Le pain du non juif

Rav Loria

24 juillet, 2019

Sainteté

Le pain du non-juif

Nature de l'interdiction

Le pain cuit par un boulanger non-Juif nous est interdit1. Cette loi
s'applique même dans le cas où tous les ingrédients qui rentrent dans
la composition du pain sont permis et que la plaque sur laquelle le
pain est enfourné est destinée à ce seul usage. Nos sages interdisent
la consommation du pain cuit par un non-Juif afin que les membres
du peuple juif n’en viennent pas à s’unir aux autres nations envers
lesquelles ils pourraient se sentir redevables après avoir consommé
leur pain. Cet interdit reste en vigueur même envers un non-Juif qui
n'a pas d'enfants à marier2 ou qui est adepte d'une religion non
idolâtre3 (l'Islam, par exemple).
Seul le pain composé de l'une des cinq céréales nous est interdit : le
blé, l'orge, l'épeautre, l'avoine et le seigle4. Le pain confectionné à
base de féculents, le pain de riz, par exemple, nous est permis car cet
aliment étant de moindre importance, il n'est pas à craindre qu‘il
puisse faire naître un sentiment de gratitude envers le non-Juif
pouvant aboutir à un mariage5.
De ce fait, les personnes qui, pour des raisons médicales, diététiques
ou autres, sont habituées à consommer régulièrement du pain
fabriqué à base de féculents cuit par un non-Juif, peuvent continuer à
agir de la sorte. Même s’il constitue son aliment principal6, ce pain
n’a pas le même statut qu'un pain constitué à base des cinq céréales.

 Caractéristiques de l'interdit

L’interdit de consommer du pain cuit par un non-Juif est particulier
car, déjà à l'époque du Talmud, il ne s'était pas étendu à l'ensemble
du peuple Juif7. Maran (le maître décisionnaire des communautés
séfarades) affirme que le décret de nos sages ne concerne que les
contrées où il est facile de trouver un boulanger juif8. A notre
époque, la consommation du pain cuit par un non-Juif n’est permise
que dans les régions où il est impossible de se procurer du pain
confectionné par un boulanger juif. Il s'agit là d'un cas d'extrême
urgence car le pain est un aliment vital pour l’homme9.
Toutefois, même dans ce cas, seul le pain d'un boulanger non-Juif est
toléré. Le pain du particulier non-Juif reste prohibé10 car, dans le cas
d'un artisan dont c'est la profession, il est moins à craindre d’aboutir
à des mariages mixtes11.
Cependant, si trois jours se sont écoulés sans consommer de pain ou
en veille de Chabbat, même le pain du particulier pourra être toléré12
Certains objectent que le décret ne s'étant pas propagé à l'ensemble
du peuple juif à l'époque de nos sages, il a alors été annulé en vertu
du principe selon lequel tout décret qui n'a pas été accepté par la
majorité du public n'a pas force de loi . Tel est l'avis du Ramah (le
maître décisionnaire des communautés achkénazes) qui permet donc
le pain fabriqué par un non-Juif même dans le cas où il est possible
de se procurer du pain de production juive. Cette coutume s’est
répandue en Europe de l’Est dans les communautés achkénazes13.
Certains décisionnaires achkénazes permettent aussi la
consommation du pain d'un particulier non-Juif14. Ils préconisent
toutefois une attitude plus stricte et recommandent de s'abstenir de
manger le pain d'un boulanger non-Juif pendant les dix jours de
pénitence (période qui sépare Roch Hachana de Yom Kippour pendant
laquelle l'homme doit se repentir et se comporter avec un surplus de
zèle et de rigueur). Ils affirment aussi qu'il est bon de se montrer
rigoureux tout au long de l'année, à moins que le pain du boulanger
non-Juif soit de meilleure qualité que celui du Juif15.


1 Choul’han ‘Aroukh, chapitre 112, paragraphe 1.
2Rachba ; Ramah, chapitre 112, paragraphe 1 ; Kaf Ha’haïm, paragraphe 9.
3Pri Toar, paragraphe 3; Kaf Ha’haïm, paragraphe 4.
4Choul’han ‘Aroukh, chapitre 112, paragraphe 1.
5 Taz, paragraphe 2 ; Kaf Ha’haïm, paragraphe 13.
6 Michné Halakhot, tome 2, chapitre 15.
7 Taz, paragraphe 4 ; Kaf Ha’haïm, paragraphe 20.
8 Choul’han ‘Aroukh, chapitre 112, paragraphe 2. Basé sur le Chakh, paragraphe 8.
9 Chakh, paragraphe 6 au nom du Yéroushalmi.
10 Bien qu'au paragraphe 8, Maran stipule que certains le permettent, son avis principal est
évoqué au paragraphe 2 : il interdit en toutes circonstances le pain d'un particulier non-juif.
Pri 'Hadach, paragraphe18 ; Pri Toar, paragraphe14 ; Kaf Ha’haïm, paragraphes 24 et 49.
Toutefois le Yabi’a Omer, tome 1, chapitre 5, paragraphe 16, (ainsi que dans Halikhot
‘Olam, parachat 'Houkat, paragraphe 4), affirme qu'il y a lieu de le permettre du fait qu'il
s'agit d'un interdit d'ordre rabbinique. Mais le Vaïtsbor Yossef, paragraphe 1, réfute ses
preuves.
11 Ben Ich 'Haï, parachat 'Houkat, paragraphe 2.
12 Ben Ich ‘Haï, parachat 'Houkat, paragraphe 4; Kaf Ha’haïm, paragraphe 50.
13 Chakh, paragraphe 8 et paragraphe 9 au nom du Ba'h, Torat 'Hatat ; Ziv'hei Tsédek,
paragraphe 14 ; Le Ben Ich 'Haï, parachat 'Houkat, paragraphe 2, témoigne que telle est la
coutume à Bagdad.
14 Chakh, paragraphe 10.
15 Chakh, paragraphe 9.

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